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En République du Congo, nombreux sont ceux qui s’accordent pour dire que le défi principal qui se pose aujourd’hui est celui de la valorisation de l’important patrimoine dont dispose le pays. Des initiatives citoyennes aux volontés du gouvernement, décryptage d’une lente mutation économique.

Cœur vert de l’Afrique centrale, la République du Congo n’a jamais été mis en avant comme un lieu de villégiature. La faute aux idées reçues. Mais aussi au contexte actuel de crise politique, économique et sécuritaire, en particulier dans la région du Pool. Parmi les solutions pour remettre à l’endroit le Congo Brazzaville, le tourisme apparaît comme une évidence pour certains Congolais qui estiment qu’il est temps que leur pays prenne conscience de son potentiel méconnu et sous exploité. A l’instar de Guillaume Kouka qui depuis bientôt quatre ans fait la promotion des sites touristiques via la plateforme collaborative Visiter le Congo. «Le tourisme peut créer de la richesse et des emplois à court et moyen terme. Nous voulons offrir un espace de visibilité au Congo profond qui est d’une beauté exceptionnelle et qui a tout pour devenir une destination capable d’attirer des touristes du monde entier », explique Guillaume, également président de Urbanise C1+, une association qui travaille sur les questions de développement en zone urbaine à Brazzaville.

 

 

 

« Il n’y a pas encore une perception très consciente du patrimoine que nous avons »

Selon lui, il est impératif que le pays multiplie ses sources de revenus, avec par exemple le développement du secteur agropastoral ou encore du massif forestier du bassin du Congo, un diamant écologique considéré comme le deuxième poumon de la planète. Du parc de Conkouati à celui d’Odzala en passant par les forêts de la Sangha et de la Likouala, les réserves naturelles sont nombreuses mais restent des terres difficiles d’accès.

Pour Jean-Pierre Banzouzi, auteur congolais et co-responsable de l’agence de voyage Touravox, c’est d’abord aux Congolais eux-mêmes de s’intéresser à leur propre histoire : « Alors que le chômage des jeunes est important, on n’arrive pas à percevoir que le tourisme est un créneau important du développement économique. Pour le moment c’est un secteur qui n’est pas pris en compte. Il faut pousser les jeunes à s’y investir. Il n’y a pas encore une perception très consciente du patrimoine que nous avons. On pourrait commencer par créer des guides touristiques ». Pour l’heure, les lieux à visiter restent en effet peu cartographiés. Le tourisme reste artisanal dans un monde où il est une industrie.

La baie de Loango et le tourisme de mémoire

Autre potentiel touristique du continent ? Le tourisme de mémoire et les liens des millions d’afro-descendants avec le continent. Nombreux sont ceux, à l’instar de Gervais Loembe, écrivain et spécialiste de la route des esclaves, qui se demandent comment valoriser les lieux de mémoire liés à la traite négrière. Le cas du port d’embarquement de Loango, situés à quelques kilomètres de Pointe Noire, fait particulièrement débat. Aussi important que le site de Gorée au Sénégal selon l’UNESCO, ce site est pourtant menacé par les érosions dues principalement aux activités d’aménagement du port de Pointe-Noire. « Ce qui s’est passé à Loango, c’est l’affaire de tous les habitants du bassin du Congo, affirme Gervais Loembe. Pour le moment, rien n’a été fait de vraiment significatif sur place. C’est un site encore sauvage, vierge et non exploré. Il nous faut savoir ce qui s’est réellement passé. Quand on aura compris que les responsabilités sont partagées, peut-être que ça changera ».

 

 

Un plan directeur du tourisme durable

Au sommet de l’Etat, on commence même à se pencher sérieusement sur la question. Depuis mai 2016, le pays s’est doté d’un plan directeur du tourisme durable. « De cette stratégie découle un ensemble d’actions à réaliser pour tendre vers une croissance significative du secteur touristique en République du Congo, telles que la restructuration de l’arsenal juridique, la mise en place d’un système de classification hôtelière, le renforcement de la production statistique essentiel à l’investissement, la promotion de la destination ou encore la formation des jeunes et des femmes aux métiers du tourisme », explique Antoine Audet, conseiller au tourisme d’Arlette Soudan Nonault, ministre du tourisme et de l’environnement. L’objectif du gouvernement serait de faire en sorte que le secteur du tourisme tende vers une contribution dans l’économie nationale pour environ 10% du PIB. Mais rien ne dit que cet objectif se réalise. 

En effet, malgré la double convergence entre la stratégie de réduction de la pauvreté d’une part et la politique de développement touristique d’autre part, le secteur du tourisme n’est pour l’heure pas considéré comme prioritaire dans l’allocation des ressources en vue d’atteindre les objectifs de la croissance. Selon la Commission d’Identification des Sites du Ministère de l’Industrie Touristique et des Loisirs, 133 sites d’intérêt touristique ont été identifiés, dont 79 sites naturels et 54 sites culturels. En réalité, il existe très peu de statistiques sur leur fréquentation, ceci n’aidant pas dans l’estimation des dépenses touristiques du pays, encore moins à l’élaboration des stratégies de marketing et de commercialisation de la destination Congo. Un vaste chantier attend donc le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés afin que l’activité touristique soit traitée comme une branche à part entière de la comptabilité nationale.

 

Johanna BUKASA MFUNI

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